Jolis photos, dommage que tu n'aies pas pu profiter de l'église saint martin ! As-tu visité le sentier des pierres sculptées ?
Les habitants de Menet furent assez fous, jadis et naguère, pour décider à maintes reprises le dessèchement de leur lac. Non, ce n’est pas une galéjade ! Extrait de l'ouvrage Jacques Mallouet, Entre Dordogne et Puy Mary.
Article disponible sur enpaysgentiane.fr.tc, rubrique news (p.15)
Controverses géologiques
Les hypothèses géologiques concernant la formation du lac de Menet sont nombreuses, et parfois, contradictoires. Certains, comme M. Delebecque dans son ouvrage « Les lacs français », pensent qu’il serait dû au déblaiement par les glaciers de parties altérées des massifs rocheux primitifs. M. Glangeaud, professeur à Clermont-Ferrand, a signalé, dans une communication à l’Académie des Sciences, l’existence du volcan de Menet, dont le cratère serait la dépression où est bâti le bourg, les bords de cône étant représentés par les puys de Ménoire et d’Augoules. […] D’autres géologues, tel M. Marcellin Boule, supposent que la cuvette rocheuse a été exhaussée et que le lac de Menet est mixte. Enfin, une dernière hypothèse avance que l’excavation serait le résultat d’une gigantesque explosion volcanique. […]
Lac nuisible !
Au Moyen-Age, le lac de Menet appartenait aux seigneurs de Murat-l’Arabe. L’un deux, Foulgerand de Béranger, en entreprit au XVIIe siècle l’assèchement, faisant creuser une tranchée d’évacuation en direction de la proche vallée de la Sumène. Mais il devait traverser les prairies du seigneur de La Clidelle, qui ne l’entendit pas de cette oreille ! Il s’ensuivit un long procès et… l’abandon des travaux. Un siècle plus tard, Louis de Béranger reprit l’exécution du même projet, sans plus de succès. Le chenal, encore visible de nos jours, près de la route de Bort-les-Orgues, et que les Menétois appellent « La rasa del lac », est peut-être un vestige de cette entreprise.
Vint la Révolution. Les habitants de Menet crurent que le lac, comme l’église, était devenu propriété communale. Les années passèrent sans que nul particulier ne manifestât le droit d’en user de façon exhaustive.
Le 23 octobre 1825, M. Eugène Deribier, de Tautal-Soubro, maire de Menet, réunit son Conseil municipal, lequel prit, à l’unanimité, la délibération suivante :
Considérant que ledit lac est nuisible aux récoltes des propriétés qui l’avoisinent… Estime que la commune est intéressée à son dessèchement. Une ordonnance de Charles X, prise le 21 mars 1830, quatre mois avant sa chute, autorise l’assèchement du lac de Menet.
On se perd en conjectures sur les obscures raisons qui poussèrent les Menétois à vouloir supprimer leur lac. Peut-être espéraient-ils, à l’exemple des Hollandais, gagner à la culture une quarantaine d’arpents ? De toute façon, le problème technique n’aurait pas été aisé à résoudre ; la perspective de creuser un chenal profond d’au moins dix mètres dans les roches anciennes n’avait rien d’une sinécure ! Quant à la « nuisance » provoquée par la présence du lac, elle me laisse perplexe. Nous ne saurons jamais quels arguments furent avancés par les conseillers municipaux auteurs du projet. C’est bien regrettable…
Acte de propriété
L’autorisation de dessèchement eut pour effet de faire soudain surgir un propriétaire, M. Dedouhet, d’Auzers. Était-il amoureux de la nature, ou tout simplement intéressé par les quinze hectares de terrain à récupérer ? Toujours est-il qu’il se manifesta de façon intempestive en faisant mettre une barque à flot et tendre des engins de pêche, le 3 juin 1831.
Ce fut un beau tollé dans le bourg de Menet, à l’annonce de cette nouvelle ! […]
Vive réaction municipale
La réaction de la municipalité, avec à sa tête le docteur Demurat Jean-Charles, de Fosse, ne se fit pas attendre. Le 21 août 1831, le Conseil municipal rédigea quelques attendus cinglants, en un style révolutionnaire que dut fort peu priser le préfet royaliste d’alors. En voici quelques échantillons :
Considérant que le sieur Dedouhet, d’Auzers, cherche à s’emparer d’un lac dont la commune de Menet a joui sans trouble depuis une temps immémorial ; qu’il est de notoriété publique que, de tout temps, les villages les plus rapprochés dudit lac et même les plus éloignés y ont fait rouir leur chanvre sans éprouver la plus petite opposition ; que quiconque a voulu y pécher a pu le faire toutes les fois et comme bon lui a semblé, sans jamais avoir été dans cet exercice. […] Le Conseil municipal est d’avis qu’il y a lieu d’autoriser M. le maire de Menet à former l’action dont il s’agit contre le sieur Dedouhet, d’Auzers, devant les tribunaux compétents, à plaider jusqu’à jugement définitif et même par appel s’il y a lieu.
Épilogue
M. Dedouhet répliqua en exhibant un « terrier » du 23 mars 1638, puis un dénombrement, en date du 27 janvier 1783, des immeubles composant la seigneurie de Murat-l’Arabe. Le Conseil municipal se réunit de nouveau le 16 octobre et confirma avec véhémence sa délibération antérieure.
Dès lors, il n’était plus question de dessécher le lac, mais de lui trouver un propriétaire ! Le 11 mars 1834, revenant sur ses décisions passées, la municipalité, « suivant à la lettre l’avis des avocats composant le Conseil consultatif d’arrondissement, est d’avis qu’il n’y a plus lieu d’autoriser M. le maire à ester en justice ». Le lac est sauvé. Lors de l’établissement du cadastre, en 1837, il est immatriculé sous le n° 481, section H, au nom de M. Dedouhet, pour une superficie de 14 ha 48 a 64 ca. Quant au brusque revirement de la municipalité, il est difficile de l’expliquer. Y eut-il pression de la part des pouvoirs publics ?
Depuis 1837, le lac changea plusieurs fois de propriétaire. En 1878, M. Dedouhet le revendit à M. Toppin, chef de comptabilité à Rodez et grand amateur de pêche. Enfin, en 1903, il devint – ironie du sort ! – la propriété de M. Paul Marie Félix Joseph Demurat, propre neuveu de l’éloquent maire protestataire de 1831.
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