Au printemps 1938, la commune de Valette est définitivement raccordée au réseau d'électricité. Récit d'une soirée mémorable par Jacques Mallouet. Un petit comité s'est formé dans la maison. Les villageois découvrent un nouvel outil de communication, la radio.
"Après bien des tâtonnements et quelques crépitements de morse qui étonnèrent tout le monde, une voix s'éleva, si nette, si proche, que tous les assistants se penchèrent en avant pour voir qui parlait...
"Ici Radio Paris. Il est vingt heures. Voici nos informations du soir".
Il se produisit alors une chose extraordinaire, non prévue au programme de la soirée. Une vieille femme, "lo Milhèto", se signa, n'en croyant pas ses oreilles :
"Aco es pas Diou possiblè ! Aco es de lo fisico !", murmura-t-elle, dans un souffle.
"La physique", dans nos campagnes, est un collectif désignant tous les phénomènes qui dépassent le commun entendement, paraissent surnaturels : ainsi, un tour de cartes, une manipulation de prestidigitateur, un feu follet... et maintenant, cette boîte diabolique d'où sort un fil et qui semble communiquer avec l'au-delà. La radio ? Pure invention de Satan, à n'en point douter !"
Effrayée, anéantie, défaillante d'émotion, "lo Milhèto" gagna la porte et s'en fut dans la nuit. Cela n'étonna personne : on la connaissait. Elle était un peu simple d'esprit, et les voisins avaient dû déployer des trésors de patience et d'imagination pour qu'elle consentît à laisser brancher son logis sur la ligne :
"Je vous dis que "la tricité" appelle la foudre. C'est ma mort que vous voulez !, ne cessait-elle de répéter pendant les travaux. Ah ! Vous en serez vite fatigués, allez ! Et le jour où vous irez démolir les poteaux, c'est moi qui rirai !".
Ces sombres prédictions s'avérèrent fausses, mais eurent le mérite de faire rire. Pourtant les nouvelles, en ce triste printemps, n'étaient pas bonnes. Depuis des mois, des bruits de bottes inquiétaient l'Europe. Et ce soir-là, la radio parla de troubles en Autriche, de sang qui coulait à Vienne. Le ton du journaliste était grave."
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