Simone Bonnet et sa fille, Maryse, se souviennent du doux chant de la DordogneNostalgie d'un site et d'un art de vivreNauzenac, hameau d’une quinzaine de maisons, sous Chalvignac, a été la scène d’une tragédie en décembre 1944 avant d’être englouti l’année suivante.«J'aimerais être née à Nauzenac », lance Simone Bonnet qui a pourtant vu le jour à Paris. Ce hameau noyé, c'est toute son enfance, tout le bonheur qu'elle a connu auprès de sa grand-mère qui tenait une auberge à l'enseigne du « Café Moreau ».
Elle est toute petite quand elle commence à passer ses vacances au sein d'un cocon familial simple, rustique, mais surtout aimant. « Tu étais très gâtée, ironise sa fille Maryse, qui connaît l'histoire par c'ur. C'était la campagne, il faisait beau, les légumes, les fruits et le poisson étaient à profusion. »
Une école et une chapelle dédiée à Marie-Madeleine
Un état que reconnaît volontiers la retraitée et qui berce et confirme ses souvenirs. « Les gens demandaient à ma grand-mère : "Vous pouvez nous faire la friture aujourd'hui ?". » Et la mémé de s'armer aussitôt de son épervier et d'entraîner la petite Simone à la pêche avant de nettoyer, gratter et cuisiner les généreux produits de la Dordogne. « Le poisson blanc se mangeait comme ça, on ne sentait même pas les arêtes. »
Nauzenac, c'était aussi son oncle François, l'accordéoniste, qui animait les dimanches après-midi pour le plus grand plaisir des convives et des promeneurs.
Et puis, Nauzenac, c'était une école, une chapelle dédiée à sainte Marie-Madeleine et qui accueillait, chaque année le 22 juillet, une procession dont le souvenir ne s'est pas effacé. « Les gens venaient de partout, déjeunaient chez ma grand-mère ou pique-niquaient dans les prés qui faisaient comme une plage avec des arbres et de l'ombre », se souvient-elle.
De ces jours heureux, Simone Bonnet garde une nostalgie inconsolable. Lorsqu'elle évoque les avis d'expropriation, sa voix se crispe douloureusement. « Tout le monde pleurait, c'était le désespoir. Les gens ne voulaient pas partir. » Un constat tragiquement avéré en décembre 1944, lors de la terrible crue évoquée la semaine dernière ( lire notre édition du 5 mai).
« Pendant douze ans, j'ai vécu au rythme de la nature »« Mes cousins, les Dauvizis (frère et s'ur) avaient été expropriés. Ils avaient acheté une ferme, en haut, mais ne pouvaient se résoudre à quitter Nauzenac. Ils ont refusé de croire à la crue et on les a retrouvés noyés, dans le grenier de leur maison. »
Après la mise en eau de l'Aigle, comme attachée aux bords de cette Dordogne tant aimée, Simone Bonnet descend à Aynes où elle rencontre son futur époux, boucher ravitaillant les nombreuses cantines du village gonflées par le nombre des ouvriers.
Elle se voit confier, par EDF, la gérance de l'hôtel-restaurant du bourg, servant cent couverts par jour. C'est là que naît Maryse en 1952 qui, à son tour, va connaître la rivière et en rester marquée à vie. « Pendant douze ans, j'ai vécu au rythme de la nature », se souvient-elle. Nage, balade et vie simple vont constituer « mon petit monde à moi ». Et, fidèle à ces rives, Maryse se marie dans la chapelle d'Aynes un 7 avril, vingt ans jour pour jour après ses parents.
Elle n'a pas reconnu
« sa » DordogneSimone Bonnet est descendue à Nauzenac en 2001 et, malgré la vidange de la retenue, n'a pas reconnu « sa » Dordogne. « Ce cours d'eau n'avait rien à voir avec ce que j'ai connu : une eau qui coulait, chantait et se heurtait aux cailloux. En 2001, il n'y avait plus de cailloux… »
Yveline David
La Montagne, dimanche 12 mai 2013
Photos
http://www.google.fr/search?q=nauzenac+dordogne&bav=on.2,or.r_qf.&bvm=bv.47534661,d.d2k&biw=1280&bih=685&um=1&ie=UTF-8&hl=fr&tbm=isch&source=og&sa=N&tab=wi&ei=SDq0UYPvL4TKPcmEgcAE